Soutenance : Le XIXe siècle et la question pénitentiaire : un siècle d’expérimentations architecturales dans les prisons de Paris.
Soutenance de Caroline Soppelsa
Tours, 12 février 2016
Aboutissement d’un mouvement réformateur initié depuis le milieu du XVIIIe siècle, l’avènement de la prison pour peine après la Révolution française, entraîne une redéfinition de l’architecture carcérale, dès lors érigée en programme architectural autonome. Juristes, médecins, philosophes, philanthropes influencés par les idées humanistes des Lumières ou les principes de la morale chrétienne et bien sûr architectes se prennent de passion pour la question pénitentiaire et la mise au point d’une prison idéale, dont ils vont chercher le modèle chez leurs voisins européens d’abord, puis de l’autre côté de l’Atlantique.
Si, dans le sillage des travaux entrepris à partir du milieu des années 1970 par le philosophe Michel Foucault et l’historienne Michelle Perrot, quelques historiens de l’architecture, au premier rang desquels Bruno Foucart, ont rappelé l’influence de la doctrine utilitariste d’un Jeremy Bentham, concepteur du célèbre Panopticon, ou celle des systèmes pénitentiaires auburniens et pennsylvaniens dont les dispositifs architecturaux ont été consignés en 1836 par l’architecte Abel Blouet envoyé en mission aux États-Unis, ce champ de recherche reste encore largement à explorer.
A travers l’exemple des prisons successivement aménagées et édifiées à Paris et dans le département de la Seine au XIXe siècle, qu’il s’agisse de bâtiments réaffectés ou de constructions ex nihilo, la présente étude s’intéresse à l’évolution des formes au regard des ajustements opérés sur la période en matière de politique pénale – entre punition et régénération morale des individus déviants – et de régime d’enfermement – entre emprisonnement en commun et encellulement individuel, partiel ou absolu –. Placés sous les yeux des décideurs, visités sans relâche, les établissements pénitentiaires de la capitale représentent en effet un formidable laboratoire d’expérimentations préalables à une généralisation à l’échelle nationale.
L’analyse est ici centrée sur le travail de l’architecte constructeur de prison et s’articule, après une présentation détaillée du cadre administratif et des procédures, autour des contraintes fortes et multiples, parfois contradictoires, du programme : exclure (temporairement les prisonniers de la société), séparer (les catégories puis les individus), assainir (les corps afin de les discipliner), réhabiliter (ceux qui peuvent l’être en vue de leur réintégration au sein du corps social) et punir (en réparation du préjudice causé). Puisque la prison, ville dans la ville, entreprend de reproduire derrière des murs tous les aspects de la vie quotidienne d’un grand nombre d’individus, il s’agit de voir comment l’architecture pénitentiaire met en jeu et tente de plier à ses contraintes propres presque l’ensemble des typologies architecturales communes, du logement à l’atelier, de l’hôpital à l’église, de l’école à la caserne, représentant un véritable défi pour l’architecte. Au-delà de la simple étude de cas, cette thèse se veut ainsi un matériau pour une future histoire générale de l’architecture pénitentiaire en France.
Mots-clés : Paris, prisons, architecture publique, architecture pénitentiaire, architecture carcérale, XIXe siècle, France.
Le jury :
M. Dominique KALIFA Professeur d’histoire contemporaine, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, Paris
M. Jean-Michel LENIAUD Professeur d’histoire de l’art contemporain, École nationale des chartes, Paris
M. Jean-Baptiste MINNAERT (directeur) Professeur d’histoire de l’art contemporain, Université François-Rabelais, Tours
M. Marc RENNEVILLE Directeur de recherches au CNRS, CLAMOR (UMS 3726), Paris
Mme Alice THOMINE-BERRADA Conservateur du patrimoine chargée des collections d’architecture, Musée d’Orsay, Paris
Les informations pratiques :
La soutenance aura lieu le vendredi 12 février 2016 à 14h, à l’université François-Rabelais de Tours (site Tanneurs, 5e étage de la bibliothèque universitaire).