Conférences JEP INHA : “Autour de la porte d’Ishtar de Babylone”
Samedi 16 septembre 2017
CONFÉRENCES (à l’auditorium)
10h15 Accueil, par Eric de Chassey, directeur général de l’INHA
Présentation et modération Émilie Badel (Université Paris-Panthéon Sorbonne / ArScAn) et Katia Schaal (INHA / École du Louvre / Université de Poitiers)
10H30 – Du temple de la déesse Inanna à Uruk à la porte d’Ishtar à Babylone, 3000 ans de cités et déesses de légendes, par Pascal Butterlin (Université Paris-Panthéon Sorbonne / EPHE / ArScAn)
Dès la période proto-urbaine, le fait urbain est intimement lié à la divinité, et tout particulièrement aux lieux où elle se manifeste de manière privilégiée, que ce soit dans les plus anciennes cités comme Uruk ou dans les grandes mégapoles du Ier millénaire telle Babylone. L’archéologie orientale a construit ou reconstruit depuis 170 ans maintenant une nouvelle image des métropoles inscrites depuis longtemps dans la légende et dans l’imaginaire de nos sociétés. Cités de légende dès le IIIe millénaire avant notre ère pour certaines d’entre elles, ces villes étaient le lieu de mises en scènes grandioses qui célébraient le pacte entre des dieux, des rois et un pays qui les nourrissait. À travers quelques exemples précis, on montrera ce que nous savons aujourd’hui de ces scénographies et de leur parure monumentale.
Image : La déesse Ishtar tenant son arme, terre cuite d’Eshnunna, Musée du Louvre. © 2007 Photo RMN / Franck Raux
11H30 – Les figurations animales de la Porte d’Ishtar : préhistoire et protohistoire, par Jean-Paul Demoule (Université Paris-Panthéon Sorbonne)
Sur la porte d’Ishtar, déesse souveraine de la sexualité et de la guerre (entre autres), trois espèces animales sont représentées : des lions, des taureaux et des dragons (mušhuššu) – sur la porte ou sur les remparts attenants. Le thème de la femme et du carnivore sauvage se rencontre dès le néolithique proche-oriental, avec la célèbre dame assise de Çatalhöyük, et se poursuivra jusque dans la Grèce antique, avec la « maîtresse des animaux » (potnia therôn), sinon avec certaines saintes du christianisme. La représentation privilégiée de la femme et d’animaux dangereux émerge même dès les débuts du paléolithique supérieur, en rapport probable avec la sexualité, et dans la mesure où, dès l’origine, les humains se pensent à travers les animaux. Par ailleurs, l’association entre la femme et le taureau est un autre thème traditionnel, si l’on reprend les interprétations d’André Leroi-Gourhan pour le paléolithique, et que l’on retrouve, d’après Jacques Cauvin, dans le néolithique proche-oriental. Ainsi peut-on s’interroger ici sur les relations entre héritages et innovations, sachant que tout système mythologique procède à des réarrangements structurels à partir de thèmes préexistants.
Image : La porte d’Ishtar au Pergamonmuseum de Berlin (détail)
14H – Les portes monumentales assyriennes, par Ariane Thomas (Musée du Louvre)
Avant que la porte d’Ishtar ne soit édifiée à Babylone, d’autres portes monumentales ont été érigées en Mésopotamie. Des vestiges particulièrement impressionnants ont été mis au jour dans la région assyrienne, au nord de la Babylonie. Les rois assyriens, qui les ont commanditées au Ier millénaire avant notre ère, avaient également bâti un immense empire couvrant une bonne partie du Proche-Orient. Leur héritage fut ensuite en partie repris à leur compte par les souverains babyloniens à qui l’on doit la porte d’Ishtar.
15H – Portes monumentales en trompe-l’œil dans la peinture de Pompéi, par Stéphanie Wyler (ANHIMA / Université Paris-Diderot)
La peinture romaine de « IIe style pompéien » (80-30 av. J.-C.) a développé un motif d’intrigantes portes monumentales intégrées dans des architectures massives en trompe-l’œil pour décorer des espaces domestiques, souvent des chambres à coucher. Représentent-elles les portes du palais d’un roi hellénistique, d’un temple, d’une scène de théâtre ? Sur quoi ouvrent-elles, se ferment-elles ? Sommes-nous à l’intérieur ou à l’extérieur ? Si leur interprétation reste ouverte, elles marquent sans aucun doute le seuil d’un imaginaire avec lequel on continue de jouer, comme Fellini dans son Satyricon.
16H – La porte de bronze d’Hildesheim, par Isabelle Marchesin (INHA)
La porte de bronze d’Hildesheim est l’une des œuvres les plus célèbres de l’an Mil. Ses seize panneaux historiés sont à lire comme une expression de l’histoire du monde – épisodes de l’Ancien et du Nouveau Testament –, comme une typologie qui se joue du temps linéaire – les panneaux du vantail gauche et du vantail droit se répondent dans une logique d’anticipation et de dévoilement téléologique – mais aussi, et surtout, sur le plan ontologique, à savoir que c’est dans la profondeur des lois originelles régissant l’ensemble du Créé que se joue, en réalité, le devenir de l’humanité.
Image : Portes de Bernward de la cathédrale d’Hildesheim (détail), L’adoration des rois mages, 1015
17H – Parlantes ou révolutionnaires ? Jean Jacques Lequeu (1757-1826) et la langue des portes, par Jean-Philippe Garric (Université Paris-Panthéon Sorbonne)
Architectures parlantes ou encore révolutionnaires, comme l’historiographie s’est plu à les étiqueter ? Six mois avant de disparaître dans le dénuement et l’oubli, Jean Jacques Lequeu déposait à la Bibliothèque royale l’une des œuvres graphiques les plus singulières de son temps : plusieurs centaines de dessins témoignant d’une dérive obsédante, de l’édifice à l’organique, du sexe cru à l’autoportrait. Cette quête de lui-même sans sortir de son atelier, de temples en buissons, de grottes factices en palais, de kiosques en souterrains labyrinthiques, nous introduit dans les dédales et les jardins d’une cité monstre et imaginaire, que cette communication se propose de revisiter, en s’attachant au cas particulier des portes.
Image : Elévation projetée de la porte de l’entrée d’une école vétérinaire. Proposé aux élèves d’architecture, de l’Ecole de Rouen en 1777. Jean-Jacques Lequeu (1757-1826)
18H – Reconstructions, répliques, reprises : le musée face à l’histoire, par Elitza Dulguerova (INHA)
Dès ses premiers pas, le musée d’art et d’histoire se construit autour d’une promesse impossible : donner accès à une présence hic et nunc, en dépaysant cependant l’objet ou l’œuvre exposé tant de son cadre architectural que de ses contextes de production et d’usage initiaux. Cette ambigüité est d’autant plus prégnante lorsque les artéfacts exposés ne sont que partiellement accessibles et fragmentaires, que ce soit en raison de leur dimension, de leur état de conservation ou de leur inscription spatiotemporelle spécifique. Cette communication s’intéressera aux stratégies de reconstruction, de réplique ou de reprise par lesquelles se traduisent au sein des musées différents rapports à l’histoire (réification d’un objet révolu, appel à l’expérience immédiate, écart entre passé et présent…), à l’exemple de quelques reconstitutions d’œuvres et d’expositions issues de l’avant-garde russe postrévolutionnaire.