Soutenance de thèse de Gaël Huitorel
« Pratiques constructives en milieu rural au tournant du XIXe et du XXe siècle : expérimentations et diffusion : le domaine agricole des frères Métayer dans le Pays de Rennes (1850-1915) » – ENSA Paris-Belleville – 06 novembre 2018
sous la direction de Jean-Philippe Garric – Thèse de doctorat en architecture – Université Paris-Est, Ecole doctorale Ville, Transports et Territoires, Equipe de recherche IPRAUS
Lieu : ENSA Paris-Belleville, Salle des enseignants, 60 boulevard de la Villette, 75019 Paris
Date : mardi 6 novembre 2018, 14h
Jury :
M. Laurent BARIDON, Professeur à l’Université Lumière-Lyon 2, Rapporteur
Mme Émilie D’ORGEIX, Directrice d’études à l’École pratique des hautes études, Rapporteur
M. Jean-Philippe GARRIC, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Directeur de la thèse
Mme Soline NIVET, Maître de conférences à l’Ensa Paris-Malaquais, Examinatrice
M. Antoine PICON, Professeur à l’Université d’Harvard, Examinateur
Mme Carmen POPESCU, Professeur à l’Ensa de Bretagne, Examinatrice
Résumé : La recherche, qui se situe dans le champ de l’histoire culturelle des techniques, vise à observer des pratiques constructives expérimentales menées à la campagne au tournant du XIXe et du XXe siècle et leurs diffusions à l’échelle du territoire rurale et de la ville. Au cours du XIXe siècle, suite aux évolutions de l’agronomie, l’architecture agricole devient un réel champ d’investigation. Les fermes modèles sont l’expression la plus visible de l’ambition des élites urbaines de diffuser le progrès dans les campagnes. Ces exploitations qui se veulent exemplaires, sont souvent sophistiquées et à caractère ostentatoire, parfois au détriment de réelles innovations techniques. Dans ce cas, l’architecture est utilisée par les « Capitaines d’agriculture » comme un instrument politique et sociale. Parallèlement à ces pratiques, des entrepreneurs bâtisseurs innovent à la campagne avec un certain pragmatisme. En effet, l’architecture agricole se prête à des expérimentations constructives testées grandeur nature, dont rendent compte des publications précoces au début du XIXe siècle comme celles de François Cointeraux ou de Menjot d’Elbenne sur des maçonneries de terre crue ou des charpentes. Le cas méconnu des frères Métayer, qui constitue l’objet central de la recherche, s’inscrit dans cette lignée. Installées dans l’Ouest de la France, ils conduisent un domaine agricole de 600 hectares environ, entre la campagne et la ville. Les bâtiments agricoles conservés et le fonds d’archives privées de plus de 2500 documents que nous avons découvert retracent la production écrite et graphique d’Octave Métayer entre 1850 et 1915 (dessins, plans, métrés, devis, échanges avec fermiers et entreprises…). Ils révèlent un processus de conception et d’innovation constructive et sa concrétisation sur le terrain. Entrepreneurs agricoles du Pays rennais, les frères Métayer, à partir du domaine d’une vingtaine de fermes reçues en héritage, élaborent de nouveaux dispositifs constructifs. Ils conçoivent des fermes modernes, conjuguant la technique traditionnelle de maçonnerie de terre crue en bauge à des modèles de charpentes semi-industrielles bois-métal : une hybridation constructive qui fait l’objet de manipulations. La richesse du fonds d’archives Métayer révèle la personnalité hors norme et inventive d’Octave Métayer. Elle met en lumière un contexte socio-économique plus général et très mal documenté, notamment le rôle d’acteurs comme les fermiers dans le processus de conception et de réalisation au côté des concepteurs et des artisans. Enfin, l’épaisseur sociale mise en lumière permet d’identifier les modalités de diffusion des innovations techniques, de la campagne vers la ville. Par le biais de fêtes populaires comme les comices agricoles ou de moments plus informels comme le chantier, des nouveaux dispositifs constructifs se répandent par les fermiers ou les artisans qui transforment à leur tour l’architecture et le paysage rural mais également urbain dans les quartiers de faubourgs qui s’industrialisent autour des gares et des halles d’approvisionnement.
Abstract : The study, that belongs to the domain of cultural history of techniques, aims at observing the experimental practices of construction work in the countryside at the end of the XIXth and beginning of the XXth century and their development in rural and urban zones. During the XIXth century, as a result of the evolution of agronomy, agricultural architecture became a vast field of research. Model farms are the clearest example of the urban elite’s ambition to bring progress to the countryside. These farms that served as a model were often sophisticated and ostentatious thereby sometimes running counter to real technical innovations. In such case, architecture was used by the “Capitaines agricoles” as a social and political instrument. At the same time, developers were innovating in the countryside with much pragmatism. Indeed, agricultural architecture was leading real-size tests, described in early publications, at the beginning of the XIXth century, by François Cointeraux or Menjot d’Elbenne about raw-earth masonry or framework. The unknown case of the Métayer brothers, which is the main object of my research, is in keeping with the previous experiments. Working in the West of France, in between the countryside and the town, they managed an agricultural domain of circa 600 acres. The agricultural buildings that are conserved and the private archive of more than 2500 documents that I discovered are Octave Métayer’s written and graphic productions between 1850 and 1915 (drawings, blueprints, bills of quantities, cost estimates, correspondences with farmers and companies, etc.) They testify to a process of conception and constructive innovation and their concrete realisations. As agricultural entrepreneurs of the county of Rennes, the Métayer brothers, thanks to a domain of twenty farms that they inherited, elaborated new constructive frameworks. They imagined modern farms, conflating the traditional technique of unburned clay masonry using cob and semi-industrial framework using metal and wood, which produced a redesigned hybrid construction. The abundant Métayer archive highlights the extraordinary and inventive personality of Octave Métayer. It sheds light on the general socio-economic context that is as yet not well documented, especially the role of players such as farmers in the process of conception and realisation alongside the engineers and artisans. Lastly, the social environment thrown into relief serves to identify the modalities of distribution of technical innovations from the countryside to the city. Circulating via popular festivities such as agricultural shows or more informal moments on the construction sites, new construction frameworks were shared by farmers and artisans who then transformed the architecture and rural landscapes as well as the urban sites in the faubourgs that were progressively being industrialised in the areas around the train stations and the supply centres.